UN PETIT TOUR CHEZ FRANCOIS

UN PETIT TOUR CHEZ FRANCOIS

Claude François

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Le destin de certains hommes offre une vision exaltante et tragique, émouvante et fascinante de la vie. Celui de Claude François est de ceux-là. On a tout dit sur ce chanteur à l'allure de gentilhomme. On a beaucoup écrit aussi.

Claude François a fait de sa vie privée et publique un véritable spectacle. Il est un des rares artistes qui se regarde, s'écoute et se raconte. Son prestige et sa notoriété ne lui étaient pas donnés au départ. Il a dû les acquérir de haute lutte, en surmontant les difficultés, en affrontant ses propres faiblesses.

Son histoire est avant tout celle d'une revanche. Elle commence un 1er février 1939, à Ismaïlia, une petite ville blanche, sur les bords du lac Timsah. Claude est le second enfant d'une famille de colons français installée en Égypte depuis deux générations. Il grandit dans une atmosphère orientale, flamboyante et dorée.

Adolescent, la nationalisation du canal de Suez et la fin du colonialisme européen lui confisquent le soleil de ses tendres années. Toute sa vie, il n'aura de cesse de se battre pour s'y refaire une place. Toute sa vie, il avancera avec, au coin de son âme, cette fatalité que les paradis sont toujours provisoires.

Revenu en France, en 1956, Claude découvre la misère et les humiliations du déracinement. Avec sa famille, il rejoint sa soeur Josette dans le sud de la France. Il n'a pas toutes les chances pour réussir, ni toutes les cartes en main. Pourtant, aidé par son rayonnement naturel, sa volonté farouche, il va donner son ton et son style à la musique du xxe siècle français finissant.

Pour aider financièrement sa famille et parce qu'il est aussi passionné de musique, Claude devient percussionniste et bientôt chanteur dans l'orchestre de Louis Frosio, où il apprend son métier sur le tas. Chaque soir, dans les grands hôtels de la Côte d'Azur, il reprend les chansons de Charles Aznavour, de Ray Charles et de Bob Azzam. Ce sont ses premiers contacts avec le public, ses premières joies, ses premiers bravos.

Son père, Aimé François, ne voit pas du tout cela d'un bon oeil. Le dialogue est rompu entre le père et le fils. Pour lui, chanteur n'est pas un métier sérieux et convenable. Claude veut lui prouver le contraire. Pourtant, il n'en aura pas le temps. Rongé par une longue maladie, Aimé François disparaît en mars 1961. C'est un nouveau coup dur pour le jeune homme. Il est meurtri et gardera de cette épreuve une motivation de plus pour réussir dans la voie qu'il s'est choisie.

Son premier et véritable amour va lui laisser aussi une blessure qui l'obsédera longtemps. Claude aime les femmes. Il a besoin de leur beauté, de leur présence, de la couleur de leurs yeux, du je-ne-sais-quoi qu'on appelle l'éternel féminin. Celle qui capture son cœur en 1960 est une jeune danseuse d'origine anglaise, Janet Woollacott. Elle croit en lui. Il l'aime. Il l'épouse le 5 novembre à la mairie de Monaco. Ensemble, ils partent à la conquête de Paris mais les lendemains déchantent.

Claude ne doute de rien, pourtant le succès tarde à venir. Au printemps 1962, son premier disque "Le Nabout twist", sous le pseudonyme de Kôkô, ne remporte pas un grand succès. Cet échec dévaste son mariage. Janet est de moins en moins fascinée. Sa passion pour Claude se consume dans l'âtre des espoirs déçus. Elle ne supporte plus le tempérament excessif de son mari qui ne brille pas encore assez pour être pardonné. Elle s'éloigne peu à peu de lui et finira par céder à la facilité, en faisant allégeance d'amour à un artiste plus en vue. Claude est brisé par cette trahison. Une fêlure s'installe en lui. Elle ne le quittera jamais.

Espièglerie de la vie, c'est quelques mois seulement après cette douloureuse séparation en octobre 1962, que Claude connaît son premier grand succès avec "Belles, belles, belles !". Ce disque est le chouchou de la célèbre émission de Daniel Filipacchi, "Salut les copains". Il se vend à un million sept cent mille exemplaires.

Managé par Paul Lederman, le jeune homme blond, bondissant, aux yeux bleus qui brillent et au sourire généreux, devient vite le grand frère idéal de toute une jeunesse. Avec son allure sage et impeccable, il rassure les familles que les rockers en blousons noirs effraient. Il est l'antithèse de Johnny Hallyday.

Au rythme de deux succès tous les trois mois, Claude devient vite incontournable dans les hit-parades. Le 5 avril 1963, il est consacré à L'Olympia lors d'un spectacle des "Idoles des jeunes". Sa prestation passionne les foules et convainc les critiques. Le blondinet mince et explosif envoûte. La grande Marlene Dietrich en personne vient le féliciter dans sa loge. Suit une première grande tournée d'été avec Michèle Torr, les Gam's et Sylvie Vartan. Le jeune chanteur pose les bases d'une grande complicité avec son public. Galvanisé par le succès dont il a toujours rêvé, il se dépense sans compter. Cette vie de saltimbanque le grise. Il l'aime et ne triche pas. Il chante, il danse, pour distraire avec un plaisir sans arrière-pensée, un public qui n'attend rien de plus. Les années passent. Les tubes s'enchaînent, puisés dans la folk song américaine, dans la pop anglaise ou le rythm and soul noir américain. Ils ont tous en commun une propension à la bonne humeur et à la légèreté. Pourtant, l'interprète est un angoissé, un rêveur en permanence insatisfait. L'imprévisible le terrorise. Les lendemains lui font peur. Pour se rassurer, il s'organise une vie planifiée à l'excès et reste à l'écoute de tout ce qui se passe en Amérique, comme pour devancer le cours logique des choses. Claude joue avec le temps. Il sait depuis longtemps qu'il n'est pas un allié.

Cet acharnement à anticiper les modes lui permet de tenir le haut des charts et de conserver intacte sa popularité. Après un séjour aux États-Unis puis en Angleterre, il est un des premiers artistes français à s'entourer de danseuses sur scène. En 1967, il crée son propre label, les disques Flèche et une maison d'éditions musicales, Jeune Musique. Ses spectacles, inspirés des shows américains, deviennent de plus en plus éblouissants. Claude atteint un degré de perfection inégalé dans les chorégraphies et les mises en scène de ses apparitions. Le nombre de danseuses augmente. Il y a les Clodettes mais aussi les Fléchettes, quatre choristes. Avec ses tenues de scène étincelantes, Claude remue les foules. Partout où il passe, il sème la vie.

Les hommes en général et les adolescents en particulier ont besoin de rêver, de se voir renvoyer une image idéale d'eux-mêmes dans laquelle ils croient se reconnaître et qui les guide. Claude a très bien compris cela. Dans les années 70 son fan-club est l'un des plus importants. En 1972, il reprend un journal "Podium" qui devient la référence en matière de presse jeune.

Devenu père de famille, il n'en demeure pas moins une idole. Tellement ami de sa popularité, Claude met en scène sa vie. On la suit comme un véritable feuilleton qui passionne la France. On s'émeut de ses malheurs, on sourit à ses joies.

Le chanteur populaire devient le sémaphore de l'âge d'or d'un show-business clinquant et triomphant. Il est la star de son système. Fascinant comme le pays qui l'a vu naître, il s'impose comme le chantre de la chanson simple et entraînante. Ses ritournelles mêlent la vie au rêve, l'amour heureux aux désillusions. Les intellos rigolent. Ils le regardent de travers. Mais Cloclo ne succombe jamais à la tentation de se prendre au sérieux. Il n'attend aucune caution de l'intelligentsia. Il reste fidèle à lui-même et à son public. Sa seule récompense vient des masses qui en font un véritable démiurge. Pour elles, il est en quelque sorte un moyen de salut.

Sa disparition rapide et surprenante comme le fut sa vie, le 11 mars 1978, les plonge dans le désarroi le plus total. La France pleure son Petit Prince qui emporte avec lui une enfance, une jeunesse, des jours heureux. Une certaine façon aussi d'envisager le spectacle. Ils sont plusieurs dizaines de milliers à l'église d'Auteuil, le mercredi 15 mars, pour l'accompagner dans son dernier voyage. Pour le remercier de sa générosité, de tous les bonheurs qu'il leur a donnés, ils iront encore plus loin. Ils permettront à leur idole, qui ne supportait pas le temps qui passe et qui craignait tant de ne plus être dans le coup, de survivre à son époque, en lui offrant une pérennité exemplaire. Il n'aurait pas espéré mieux que de voir la jeunesse du XXIe siècle se trémousser sur ses refrains. Grâce à ce public fidèle, les chansons de Claude François imposent dans la mémoire collective une image encore bien vivante de ce dernier pharaon. Il reste une référence pour certains, une nostalgie qui nourrit les regrets, les ambitions et les espérances pour d'autres.

Claude François a aimé son public plus que tout. Il lui a tout donné. En retour, il a reçu la plus belle preuve d'amour qui puisse exister : vivre dans l'éternel.



10/07/2008
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